Tristan Tzara – illustrations sur poèmes choisis

Premiers Poèmes, L’Orage et le chant du déserteur, « La lumière a éclaté des obus / Et s’est brisée éclair en notre main »
Premiers Poèmes, L’Orage et le chant du déserteur, « Le froid : il effrite les os, ronge la chair / Nous laissons le cœur pleurer. »
Premiers Poèmes, L’Orage et le chant du déserteur, « Le vent obscur pénètre jusqu’au fond du cœur »
Premiers Poèmes, L’Orage et le chant du déserteur, « Lugubre, le chant d’esclave se fige au-dessus du régiment »
Premiers Poèmes, L’Orage et le chant du déserteur, « Si les peuples continuent de se faire la guerre, Pourquoi pend-elle encore tellement rouge la lune, Sceau de Dieu sur le livre de la paix ? »
Premiers Poèmes, Sœur de charité, « Et Hamlet dans mon cœur tremble car il fait froid et il vente. »
Vingt cinq poèmes, vingt cinq et un poèmes, La Grande complainte de mon obscurité deux, « ma tête est vide comme une armoire d’hôtel »
Vingt cinq poèmes, vingt cinq et un poèmes, La Grande complainte de mon obscurité deux, « quel meuble quelle lampe inventer pour ton âme »
Vingt cinq poèmes, vingt cinq et un poèmes, Droguerie – conscience, « dans le cœur il y a un enfant – une lampe le médecin déclare qu’il ne passera pas la nuit »
Vingt cinq poèmes, vingt cinq et un poèmes, Droguerie – conscience, « et dans cette transparence il y aura une autre transparence plus lointaine »
Vingt cinq poèmes, vingt cinq et un poèmes, Retraite, « Tu portés clouées sur tes cicatrices des proverbes lunaires »
Vingt cinq poèmes, vingt cinq et un poèmes, Froid jaune, « et du cadavre monte un pays étrange / monte monte vers les autres astronomies »
Vingt cinq poèmes, vingt cinq et un poèmes, Le Dompteur de lions se souvient, « regarde-moi et sois couleur »
Vingt cinq poèmes, vingt cinq et un poèmes, Petite ville de Sibérie, « une lumière bleue qui nous tient ensemble aplatis sur la plafond c’est comme toujours mon camarade comme une étiquette des portes infernales collées sur un flacon de médecine c’est la maison calme mon ami tremble et puis la danse lourde courbée offre la vieillesse sautillant d’heure en heure sur le cadran le collier intact des lampes de locomotives coupées descend quelquefois parmi nous et se dégonfle tu nommes cela silence boire toits en fer-blanc lueur de boîte de hareng et mon cœur décent sur des maisons basses plus basses plus hautes plus basses sur lesquelles je veux galoper et frotter la main contre la table dure aux miettes de pain dormir oh oui si l’on pouvait seulement le train de nouveau le veau spectacle de la tour du beau je reste sur le banc qu’importe le veau le beau le journal ce qui va suivre il fait froid j’attends parle plus haut des cœurs et des yeux roulent dans ma bouche en marche et de petits enfants dans le sang [est-ce l’ange ? je parle de celui qui s’approche] courons plus vite encore toujours partout nous resterons entre des fenêtres noires »
De nos oiseaux, La Revue Dada, « voilà pourquoi je mets sur chaque cœur une draperie et sur chaque draperie il y a notre seigneur et sur chaque seigneur il y a mon cœur »
De nos oiseaux, La Revue Dada « j’ai touché à tout au bien et au mal ah la joie du général »
De nos oiseaux, Autour, « ingénieuse cravate nouée dans l’alibi des nuits disparates que la voix gaspille »
De nos oiseaux, Autour, « et je tiens à ma beauté à ma santé à ma gaité à ma liberté à mon égalité à ma fraternité et à ce que j’ai à dire »
De nos oiseaux, La Mort de Guillaume Apollinaire, « nous ne savons rien nous ne savons rien de la douleur la saison amère du froid »
L’Arbre des voyageurs, l’arbre des voyageurs, Approximation « tu viens tu manges tu nages tu rêves tu lis tu cours parfois après le clair l’illimité pourquoi de te actions tu te demandes parfois d’où tu viens si seul »
L’Arbre des voyageurs, À perte de nuages, Les Inconsolables, « ils ont vu tant d’étés se baigner dans leur sang amoureuses attentes les rives ne tentaient des larmes l’essor cristallin inaccessible tendresse aux détours de l’espoir ils ont vu des printemps se baigner dans leurs larmes ils ont vu les fenêtres s’ouvrir dans leurs âmes les jours n’y entraient pas ont-ils attendu personne n’a frappé à la porte du soleil en bas la rivière et la sereine chevelure l’écriture confuse de la terre dort sur le front le vent y plonge les doigts écartés où ressuscitent les lointaines promesses à corps perdu lointaines promesses des enfants des vieillards se succèdent à la barre et le lent tourbillon qui s°écrase dans la tête alourdit la frayeur des hivers qui t’attendent d’autres et d’autres ont succédé au tien regard d’acier à l’embrasure du soleil si longue longue lumière du haut de ta froide vigueur paisible coupe la trame de la raison »
L’Arbre des voyageurs, À perte de nuages, Rappel, « j’ai ouvert les yeux sur des amours sans bornes »
L’Homme approximatif, 1, « tombé à l’intérieur de soi-même retrouvé les cloches sonnent sans raison et nous aussi sonnez cloches sans raison et nous aussi nous nous réjouirons au bruit des chaînes que nous ferons sonner en nous avec les cloches »
L’Homme approximatif, 1, « je parle de qui parle qui parle je suis seul je ne suis qu’un petit bruit j’ai plusieurs bruits en moi »
L’Homme approximatif, 2, « homme approximatif comme moi comme toi lecteur et comme les autres ammas de chairs bruyantes et d’échos de conscience (…) homme approximatif te mouvant dans les à-peu-près du destin avec un cœur comme valise et une valse en guise de tête »
L’Homme approximatif, 3, « seuls dans l’écho de nos propres aboiements d’ondes mentales malgré l’inexprimable plénitude qui nous entoure d’impossible je me vide devant vous poche retournée »
L’Homme approximatif, 5, « au fond tout au fond qu’il dissimule il voit il voit un autre œil caché à l’intérieur »
L’Homme approximatif, 5, « sur le seuil du rêve sous chaque feuille il y a un pendu de tes rêves aux miens la parole est brève le long de tes plis printemps l’arbre pleure sa résine et dans la feuille je lis les lignes de ta vie »
L’Homme approximatif, 5, « et sur ton cœur aussi les étiquettes gardent leurs secrets »
L’Homme approximatif, 7, « quand il fait noir dans le pleur de l’enfant oubliant de pleurer que le noir ravagé bleuit lorsque charmeur de noir le poète ou son rire sur l’ombre s’alentit réveillant la glace »
L’Homme approximatif, 7, « font tinter leurs rimes de délire et tant d’autres et tant d’autres qui saurait les lire et les redire qui n’ont pu mourir ni vivre »
L’Homme approximatif, 17, « il y aura toujours tant d’autres et tant d’autres ne ferme pas encore le yeux ni ceux des autres »
L’Homme approximatif, 19, « et tout ce que j’ai pu comprendre et à quoi je ne crois plus le caillot de ce que je n’ai pas pu comprendre et qui me monte à la gorge »
L’Antitête, Minuits pour des géants, 4, « Un coup de fusil, un signe de tête, la destination, une salle de spectacle, un habit de ville, la profession, un homme de guerre, un acte de vente, la matière, une table de marbre, le contenu, de près, de loin, plus ou moins : j’ai compris ton désordre, il est limité et circulaire, il se déclenche et se contracte dans le port. C’est pour cela qu’un cœur étrange, visible à la lumière des becs de gaz, apparaissait de temps en temps sur la paume de sa main. »
L’Antitête, Minuits pour des géants, 10, Avant que la nuit 3, « Là, il y avait la solitude ; là, se voyaient les indicibles. »
Grains et issues, des réalités nocturnes et diurnes, « Ainsi ne savons-nous plus à quels moments il faut prendre les questions pour des réponses comme si l’ascension d’une montagne n’était que la descente dans un monde renversé et non sensible, un monde imbriqué de simulations, de montagnes et de marées et de cœurs et de pierres, hors d’atteinte et de danger, hors d’haleine, insaisissable et cru. »
Midis gagnés, La main passe, « il y a un silence, il y a un regard. »
Midis gagnés, Les mutations radieuses, masse d’alarmes, « y a-t-il des hivers méconnus qui glacent les tempes quand tombent les paroles de joie de la dernière phrase comprise au centre de feu parmi les hommes de proie »
Entre-temps, Muette, « nous buvons le vin de ses paroles dont on n’a pas encore tout dit ni de l’aurore ni de la douleur la laine molle la noire raison elle est en roc elle est le monde les cloches sonnent dans ses puits profonds elle est de sel elle est la transparence les yeux grands ouverts pour mieux se voir dormir »
Signe de Vie, Encore à une morte, « c’est nuit épaisse au point ou changent les eaux et se partagent les souterrains visages de la pensée »
Signe de vie, Contre le courant, « tu parais calme détaché hagard tu marches comme les autres avec ou sans l’idée d’un proche retour tu sembles dévisager le soleil des choses et puis avec le vent tu te jettes à la poursuite de je ne sais plus quelle douleur et pourtant tu es là enlisé dans l’attente un autre toi-même est venu te rejoindre »
Terre sur terre, le buisson ouvert, « à éteindre la distance j’ai usé mes yeux en feu je suis allé dans le désert la solitude m’a fui fallait-il que je me perde à guetter l’étroite flamme au cœur noir des chevauchées sous la pierre et le soleil je t’ai reconnue ma vie je te garde je te soigne au jardin des chauds silences tant que le passé sous terre ronge l’ombre de son frein ce n’est pas une fille de la terre encore moins une fille du ciel mais plutôt une fille de l’eau folle rien ou presque de qui parles-tu tristesse un oiseau mort dans ma main que se crispe que se cabre la mémoire inextricable moi je passe inlassable lame de fond le feu court dans mon sommeil et dévaste ses chemins mais je vis de sa lumière »
Terre sur terre, La vague, « par le feu le vent la mitraille sans flamme sans souffle sans fusil comme paroles de justice éclairé au centre de lui-même Ia peur partout présente définitive telle fuit la nuit immense de la solitude et à son flanc grand ouvert l’homme aux aguets qu’a-t-il fait de quel sauvage silence a-t-on scellé sa vie un coup dans la mâchoire mâchoire de sa vie limon d’adolescence d’étoile éclaboussée au bas d’une terre vague il n’a rien compris il tourne dans sa tête les genoux foudroyés les mots éparpillés tout autour de son regard frileux la marée invisible des villes des campagnes et l’acier unanime de leur soleil terrible »
Phases, Phases, 9, « j’ai brisé l’hiver des choses secoué le rire du pommier les miroirs se sont ouverts aucun feu ne nous fait peur le cheval devant la porte et l’attente dans la chambre où se cherchent inconstantes nos misères nos révoltes l’aube a frôlé les vagues de sa robe de rafales ensevelissant les larmes au passé impardonnable souris souris le soleil aveugle »
Sans coup férir, « la dure sécheresse de se porter absent »
Sans coup férir, « ne tirez pas sur le pianiste il n’a pas encore dit tout ce qu’il pense »
Parler seul, Les mots de paille, 8, « encore je n’ai rien dit mais je n’en pense pas moins boire une tasse de thé gagner du temps au joue petit visiter les magasins gaspiller le sucre de son rire donner à boire aux malades trotter menu taire les roches avertir la fumée dénouer les papillons de fraternité dénombrer les orties deviner les stores qu’est-ce que cela nous cache avec un goût de mille ans dans la bouche »
De mémoire d’homme, Le bœuf sur la langue, 1, « La liberté est à ce prix et la force de l’amour en marque les degrés. »
De mémoire d’homme, Le bœuf sur la langue, 3, « Tant pis pour le soleil ; je n’en croyais pas mes yeux. »
De mémoire d’homme, Le bœuf sur la langue, 4, « Les grimaces allongeaient les perspectives. Ce ne pouvait être qu’une prison. Comme de tristes grouillements, des gémissements bougeaient dans son ventre. C’était impersonnel et propre, une longue vitre sous la pluie. La nuit se dévidait silence après silence et le chapelet des passants s’égrenait lentement. On s’enfonçait dans l’absence par la surdité montante des murs. »
De mémoire d’homme, Le bœuf sur la langue, 26, « Pas d’illusions ! Ce n’est pas encore ici que commence le monde. De recul en recul, les jours se sont élimés, nos antennes se raidissent et à l’hostilité de l’espace on devine sa joie de nous tromper. Ici, la pierre. Là, la boue. De grillage en grillage, la vie devient verte et la modestie du rire se mesure aux dents. Comment ne me souviendrais-je des gouffres à écraser les montagnes qui manient leur jeu d’enclume sous l’os décrépi ? C’est à la souffrance ténue qu’était liée la gerbe des faits. Et je vivais, pour en atténuer la tension, pauvre insecte dans le vrombissement stupide des rues. Je me voyais marchant devant moi-même comme une carotte de malheur. Qu’as-tu fait de la croix de moquerie, pauvre défroque soumise à la poussière des marchepieds ? Tu t’es lancées dans un gémissement de langue morte, les larmes déférées devant la cour des mastications. Il n’y a plus de porte dans l’œuf de la cité. Blotti dans la laine adulte, tu écoutes l’évidences des pierres. Que de nouvelles scories puissent encore jaillir à travers la nuit du fer, le vin léger et le printemps des éternelles chevauchées ne réjouiront pas moins les voyageurs que nous sommes, réduits aux plaisirs des dernières voies de garage. »
De mémoire d’homme, Le poids du monde, « à peine le vent eut-il cessé de remuer les épines couronne de pays à la portée de nos mains le vin de connaissance figé dans la solitude que déjà l’âcre mémoire montait dans la balance un cri coupé à même la racine »
De mémoire d’homme, Le poids du monde, « non ce n’est pas pour crier sur les toits ma haine ma joie que je me suis dressé parmi vous bitume du silence sur le corps de la nuit »
De mémoire d’homme, Le poids du monde, « non je n’oublie rien c’est vrai que des hommes perdaient le sens de leur pas que des enfants riaient que d’autres se hâtaient de tomber dans le vide que des enfants riaient de leur faim tandis que de grands rêves déchiquetaient leurs corps en avez-vous rêvé eux aussi ils rêvèrent et leur songe meurtri épaissis dans la brume a épuisé la honte des années »
De mémoire d’homme, Le poids du monde, « je suis debout au carrefour des questions insensées »
De mémoire d’homme, Le poids du monde, « et toute ma vie toute ma vie j’ai couru après moi-même sans savoir me rattraper je me connais je suis le même je cherche encore je cours les pistes »
De mémoire d’homme, Le poids du monde, « j’avance lentement j’ai connu les départs sans cause et les arrivées nulle part »
De mémoire d’homme, Le poids du monde, « j’avance lentement j’ai vu les yeux perdus la guerre les yeux suppliants détournés de la guerre les yeux écarquillés la guerre les yeux lâches les yeux bas ignobles les yeux des petites filles des amoureuses et ceux des mères mais ne parlez plus des yeux des mères leur éclat à tout jamais a terni l’éclat des nôtres ils ont guetté mur de silence »
De mémoire d’homme, Le poids du monde, « j’avance lentement j’ai vu l’horreur gravée à même les rétines de ceux qui pour avoir voulu survivre sont morts mille fois au fond des yeux amis »
La Face intérieure, 1, « parlant à l’inconnu par la voix des miroirs que chacun s’y reconnaisse et personne ne se retrouve »
La Face intérieure, 1, « j’ai vu la misère à toutes les portes j’ai vu la honte de l’homme se faire passer pour l’homme j’ai vu de près la cruauté faite homme l’indicible laideur de l’homme devant ses objets de proie »
À haute flamme, « cartes sur table rien dans les poches rien dans les mains rien rien rien plus rien mille ans ont passé et ce n’était qu’une nuit »
À haute flamme, « Max la route est longue qui mène à Drancy qu’on puisse s’en souvenir qu’on puisse en rougir la route est parsemée des clous de la souffrance et les épines pénètrent nos quotidiens effrois mille mille ans qu’importe et je suis toujours là »
À haute flamme, « vas-y si ça te chante moi je retourne en arrière dans la poussière des routes à ma frileuse musique je trouve l’aumône du rêve aumône à ma fatigue à chaque pas où la vie perd un peu de sa face et au-delà des routes me guette l’inconnu »
Miennes, Éternel réveil, « Certes, personne ne connaît le mot qui t’ouvrira la porte. La clé est en toi et tu t’es perdu. »
Juste présent, Des profondeurs « que diable suis-je venu faire dans cette galère échouer enchaînant des fragments de pensée à la marche indifférent des choses de cette terre »